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Discours à l'occasion de ma cérémonie des vœux

Photo du rédacteur: Jérôme DARRASJérôme DARRAS

Ce jeudi 16 janvier 2025, j'ai organisé ma première cérémonie des vœux à l'espace culturel Brassens de Nœux-les-Mines.


Plusieurs images sont à suivre.


Voici mon discours prononcé à cette occasion.




Jeudi 16 janvier 2025 - Nœux-les-Mines

Discours de Jérôme DARRAS


Seul le prononcé fait foi.


Remerciements


Avant tout, merci à toutes et tous, à chacune et à chacun, de votre présence, qui

témoigne de votre intérêt pour la chose publique, pour l’action parlementaire ou

pour certains d’un soutien de toujours à mon engagement dans la vie politique locale.

Merci à mon équipe (Aymerick, Christiane et Karine) qui ont organisé avec beaucoup

d’enthousiasme cette soirée et qui en assurent le bon déroulement.

Merci à ma fille Émeline qui nous a fait profiter de son savoir-faire dans

l’événementiel, et à ses amies Charlotte et Olivia, qui nous donnent un coup de main

ce soir,


Merci aux services de la ville de Noeux-les-Mines, en particulier à Hervé FOURNIER,

qui nous accueille et assure la sonorisation


Merci à nos prestataires :

Rémi et IsmaÏl, qui assurent la sécurité

Le Relais de la Fontaine, qui a préparé le buffet

Sophie pour la prestation photo

Les Fleurs de Marion pour le décor floral

Cheese Box, pour la photo souvenir

Merci à Nenesse, qui a ouvert la soirée par le rire et la bonne humeur et à Lily le

Groupe qui animera le verre de l’amitié.


Merci à Monsieur le Maire et Conseiller régional, Serge MARCELLAK, de nous

accueillir dans sa bonne ville de Noeux-les-Mines


Merci à notre invité d’honneur, Monsieur le Président de mon groupe au Sénat,

Monsieur le Ministre, Patrick KANNER, qui comme vous l’avez vu, entendu ou lu dans

tous les medias est un peu occupé en ce moment mais qui est bien là.


Comme nous sommes réunis pour une cérémonie de voeux, je vais simplement

respecter la tradition, en me retournant avec vous vers le passé, l’année qui vient de

s’écouler, pour évoquer très subjectivement quelques évènements qui m’ont marqué,

et tenter d’en tirer des enseignements pour l’avenir ou à tout le moins pour l’année 2025.



1.Sénat : 1 an pour apprendre


Et si vous le voulez bien, je ferai arbitrairement commencer l’année 2024 au lundi 2

octobre 2023, date de mon installation comme sénateur. Les quinze mois passés

depuis ont consisté pour l’essentiel à apprendre le métier de parlementaire :

l’élaboration de la loi, le contrôle de l’action du gouvernement, l’évaluation des

politiques publiques, dans un contexte politique particulier qui me donne la

sensation d’explorer avec mes collègues des terres institutionnelles jusque là

inconnues.


Débuts difficiles

Mes débuts ont été difficiles. La première fois que j’ai eu l’honneur de porter

l’écharpe tricolore de parlementaire (bande rouge du côté du cou), c’était à Arras, sur

la bien nommée Place des Héros, pour l’Hommage rendu à Dominique Bernard, le

dimanche 13 octobre 2023. L’émotion était grande dans la foule nombreuse qui

emplissait la place et parmi mes collègues parlementaires, j’ai senti tout le poids de

cette écharpe et la responsabilité d’être, parmi d’autres, un représentant ou même

une simple présence de la République, ce que nous possédons en commun de plus

précieux.


Patrick m’a proposé de poser sur ce drame une Question d’Actualité au

Gouvernement et le mercredi qui a suivi, 16 octobre, j’ai demandé au Ministre de

l’intérieur, Gérald DARMANIN, comment il entendait concilier l’efficacité dans la lutte

contre le terrorisme et la préservation de l’état de droit. J’avoue, en descendant les

quelques marches qui me séparaient du micro, avoir eu l’impression de descendre

dans l’arène et ressenti une forme d’angoisse. Elle s’est heureusement vite dissipée,

pour laisser place à la conscience d’exercer pour la première fois la fonction

parlementaire de contrôle de l’action du gouvernement.


Débuts difficiles également car j’avais rendez-vous, le samedi 11 novembre 2023 à

Hucqueliers avec Jean-Claude LEROY, Président du Conseil départemental et

Blandine DRAIN, Vice-présidente, pour me rendre dans des communes touchées per

les inondations. J’ai pu prendre la pleine mesure du rôle irremplaçable des Maires en

de telles circonstances. Ils étaient tous épuisés par plusieurs nuits sans sommeil, au

bord de la crise de nerfs parfois, mais connaissaient la situation de chacun de leurs

administrés et nous expliquaient en détail les mesures prises et à prendre pour la

sécurité, l’hébergement, le soutien de tous.


Et devant le Monument aux Morts de chacune des communes une gerbe avait été

déposée, témoignant de la présence de la République par le respect dû, même dans

ces circonstances extrêmes, à ceux qui ont donné leur vie pour la préserver.


Il fut un temps où, plus jeune et sans doute plus technicien que politique, je

préconisais de suivre l’exemple de nos voisins européens et de regrouper nos très

nombreuses communes. J’en suis totalement revenu. La proximité assurée par un

Maire, disponible souvent sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre,

assisté d’un ou une secrétaire de Mairie quelques heures par semaine, ne coûte au

final pas bien cher pour un service inestimable. Nos plus de 500 000 élus locaux

assurent sur tout le territoire national, parfois à eux seuls, la présence rassurante et

la permanence de la République.


J’ai mieux pris conscience également que le dérèglement climatique, ce n’était pas

demain, ce n’était pas ailleurs. C’était maintenant et c’était chez nous. Je vous invite

en cet instant à avoir une pensée pour nos compatriotes Mahorais, victimes d’un

cyclone dévastateur et qui ont pour beaucoup tout perdu. Vous trouverez dans le

tote bag qui vous sera remis à la sortie un formulaire de don à la Fondation de France

pour exprimer si vous le souhaitez votre solidarité.



Une année dense

Des débuts difficiles donc, qui étaient le prélude d’une année exceptionnelle par sa

densité, avec le vote d’une loi constitutionnelle, une dissolution, une censure et

quatre premiers ministres.

J’ai eu l’honneur le lundi 4 mars 2024 de voter avec l’ensemble des parlementaires

réunis en Congrès à Versailles, une loi constitutionnelle modifiant l’article 34 de

notre constitution pour garantir la liberté du recours à une interruption volontaire

de grossesse. Je me souviens de la découverte du grandiose hémicycle de Versailles

et surtout de l’émotion partagée au moment de la proclamation du résultat, avec le

sentiment d’avoir été le modeste acteur d’un moment historique pour le droit des

femmes.


J’ai connu une dissolution de l’Assemblée nationale. Comme vous sans doute j’ai été

surpris par l’annonce du Président de la République, au soir des élections

européennes le dimanche 9 juin, même si quelques minutes plus tôt, alors que dans

le bureau du Maire de Liévin, Laurent DUPORGE, nous écoutions les résultats et les

commentaires, je lui avais sorti à l’annonce d’une allocution présidentielle : « il est

bien capable de dissoudre ! »


J’ai découvert qu’en ces circonstances, l’Assemblée nationale ne siégeant pas le

Sénat, par tradition, ne siégeait pas non plus. Ont suivi plusieurs semaines de faux

rythme de travail à Paris, sans débat public, et ma participation militante à une

campagne de quelques jours, bien trop courte pour réellement exprimer les enjeux et

développer un programme. Je me souviens de mon soulagement à la proclamation

des résultats nationaux, alors que les médias avaient répété à l’envi que le réflexe

républicain ne jouerait plus cette fois.


Conséquence de cette situation politique et institutionnelle inédite, un sondage

récent nous apprend que 85 % des Français sont favorables à une réforme

institutionnelle et encore 56 % à la fin de la V ème République. Je pense au contraire

que la V ème s’est adaptée à tous les choix exprimés par les Françaises et les Français

: l’alternance en 1981, une majorité parlementaire opposée à la majorité présidentielle

en 1986, 1993 et 1997, et même l’absence de majorité comme sous les gouvernements

de Michel ROCARD en 1988 ou d’Elisabeth BORNE.


Les institutions ont toujours permis aux pouvoirs publics de fonctionner, au prix

certes d’une mise en oeuvre extrême de ce que l’on appelle le parlementarisme

rationalisé, en particulier l’usage du 49.3. Plus qu’aux institutions, les difficultés que

nous rencontrons aujourd’hui tiennent à leur mauvaise interprétation par le

Président de la République, dans le rôle qu’il s’est attribué de constituer une majorité

relative stable, rôle qui incombe aux députés dans un régime qui demeure d’essence

parlementaire.


De même, si le délai accordé au Président pour le choix d’un Premier ministre à la

suite d’une dissolution n’est pas précisé, il me semble qu’il faut logiquement

comprendre qu’il s’agit du temps strictement nécessaire, ne relevant pas du bon

vouloir du Président de la République.


Je ne pense pas que le moment soit venu d’une VI ème République mais qu’en

revanche il faille corriger la dérive présidentialiste de la V ème, en rééquilibrant les

pouvoirs entre le Président de la République et le Premier Ministre. Au Président la

fonction tribunitienne, les domaines réservés de la défense et de la diplomatie, la

représentation du pays dans les instances internationales et à l’étranger, au Premier

Ministre comme le prévoit la constitution de diriger l’action du gouvernement, qui

détermine et conduit la politique de la Nation. Nous avons connu une illustration

d’un tel régime pendant les différentes périodes de cohabitation et ma foi cela

fonctionnait plutôt bien.


Il n’est pas possible de revenir sur l’élection du Président au suffrage universel direct.

D’abord parce que les Français y sont attachés, faisant de la présidentielle la mère

des batailles électorales. Ensuite parce que notre pays dispose de la dissuasion

nucléaire, dont la crédibilité suppose la décision d’un seul, et qu’une telle

responsabilité exige l’onction du peuple par le suffrage universel direct.


Il suffit en fait d’un simple aménagement : que le Président, s’il continue de nommer

le Premier ministre soit contraint, à la mode britannique, de le choisir parmi les

députés de la première force de l’Assemblée, et qu’il ne puisse ensuite décider de sa

démission, respectant ainsi la lettre de la Constitution.


Une année studieuse

Je vous passe la présentation du bilan de cette 1ère année de mandat. Vous la

trouverez dans le tote bag. Je n’évoquerai que quelques expériences qui m’ont

marqué et illustrent à quoi peut servir un sénateur.


D’abord j’ai été choisi, en tant que membre de la commission des affaires étrangères,

de la Défense et des forces armées, comme rapporteur du budget de la gendarmerie.

Cela m’a donné l’occasion d’intervenir par deux fois à La Tribune, à une heure

avancée de la soirée et de suivre l’intégralité des débats relatifs à la mission Sécurité

du Projet de Loi de Finances.


J’ai eu le privilège d’une visite privée du siège du GIGN à Satory où j’ai découvert les

multiples compétences acquises par cette unité d’élite, que le monde entier nous

envie. J’ai pu voguer sur le Rhin à bord d’une vedette de la Brigade fluviale francoallemande, après avoir été conduit de Strasbourg à Kiel dans un véhicule de police

allemand, expérience originale pour un parlementaire français.


Et bien sûr j’ai rencontré de nombreux gendarmes de tous grades et de multiples

affectations. Chez tous, j’ai trouvé le même sens profond du devoir et chez certains,

y compris parmi les plus aguerris, un profond désarroi face à la banalisation d’une

violence extrême, jusqu’à s’interroger sur le sens même de leur mission.


J’ai eu l’honneur d’être désigné par le Président du Sénat pour siéger à la Commission

Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement, ce qui m’a donné

l’occasion de rencontrer les patrons de nos services de renseignement, civils et

militaires.


J’y ai fait le constat que, même quand il s’agit de lutter contre le terrorisme, l’état de

droit est dans notre pays scrupuleusement respecté et que les techniques, certes

parfois particulièrement intrusives de nos services, ne peuvent être mises en oeuvre

que sous le contrôle de ladite commission, constituée de hauts magistrats et de

quatre parlementaires.


Dernière illustration de mon activité au titre du contrôle de l’action du

gouvernement, la mission d’information sénatoriale sur le devenir d’une grande

entreprise de services numériques, ATOS. Une entreprise en grande difficulté dont

Thierry Breton, qui en fut le PDG pendant une décennie avant d’être nommé à la

Commission européenne, a fait l’un des leaders mondiaux dans de nombreux

secteurs du numérique. Le Sénat a diligenté cette mission d’information car ATOS

fabrique les super calculateurs sur lesquels sont simulés les essais nucléaires et

fournit divers systèmes à nos armées et à nos services de renseignement.


J’ai mesuré l’erreur de confier la direction d’une entreprise à des financiers, et les

dégâts causés par leur approche, consistant à appliquer les recettes apprises en

école de commerce et préconisant une partition du groupe, sans tenir compte de

l’avis des ingénieurs qui considéraient au contraire que sa force tenait à son unité.


À l’occasion de cette mission, comme dans l’ensemble de mon travail sénatorial, j’ai

pu apprécier la grande qualité des services du Sénat, capables de synthétiser le

produit de nos 84 auditions et les analyses et réflexions que nous avons émises

pendant les divers débriefings.


Je dois vous dire également que j’ai tissé des liens particuliers, au-delà de mon

groupe politique, avec les sénatrices et sénateurs qui ont partagé ces différents

travaux, que ce soit par exemple Fabien GAY, membre du groupe communiste et

directeur du journal l’Humanité, Sophie PRIMAS, aujourd’hui Ministre porte -parole

du gouvernement ou Philippe PAUL, Sénateur Les Républicains du Finistère.



2. L’année à venir


Pour illustrer l’année à venir, j’ai arbitrairement retenu un événement international,

la prise de fonction de Donald TRUMP le 20 janvier, dans quatre jours donc, et un

événement national, le vote du budget.


Deux choses me frappent dans l’élection de Donald TRUMP et dans ses premières

décisions. D’abord je me demande qui dirige réellement la première puissance

économique et militaire du monde.


Est-ce la star de la télé-réalité Donald TRUMP ? Est-ce Elon MUSK, le génie fou, qui a

apporté 120 millions de dollars à la campagne, et qui a pour tâche rien moins que de

démanteler l’Etat fédéral ? Est-ce le groupe de 12 milliardaires que compte l’équipe

réunie autour du Président élu ? Cela porte un nom que je n’avais pas prononcé

depuis longtemps : la ploutocratie, autrement dit le gouvernement des riches par les

riches et pour les riches.


Si l’on élargit la réflexion, n’est-ce pas en effet miroir le même type de régime que

celui qui sévit aujourd’hui en Russie, reconvertissant l’ancienne nomenklatura

soviétique en oligarques ?


Et n’est-ce pas d’une certaine manière le régime vers lequel nous tendons dans notre

propre pays ? Ce qui explique, dans l’examen du budget, j’y reviendrai, la difficulté à

demander aux plus fortunés une juste contribution aux efforts de redressement des

comptes ? Les recettes budgétaires votées au Sénat par la gauche avec le soutien des

centristes, mesures vertueuses puisque contribuant à la baisse du déficit par

l’accroissement de la flat tax, de l’exit tax ou de l’impôt sur la fortune immobilière ont

été annulées par un second vote exigé par le gouvernement de Michel BARNIER.


Deuxième élément de réflexion, la volonté de Donald TRUMP de réduire le soutien

américain à l’Ukraine et de mettre fin rapidement aux hostilités. Je ne vois pas

comment cela pourrait se faire sans des concessions considérables imposées au pays

agressé, ni sans une contribution majeure, voire exclusive de l’Europe au respect d’un

accord conclu sous la seule autorité du Président américain. Cette actualité donne

une acuité nouvelle au désengagement des Etats-Unis du théâtre européen, amorcé

depuis Barak OBAMA, dans l’objectif de se consacrer totalement au défi de la

préservation du leadership mondial face à la concurrence de la Chine.


Il faudra bien, dans un tel contexte géopolitique, que l’Europe se donne la capacité

d’assurer elle-même sa sécurité. L’Union européenne ne me paraît pas offrir le cadre

adapté. D’abord parce que les intérêts stratégiques au sein de l’Europe à 27 sont trop

divergents pour déterminer une doctrine d’emploi commune de la force. Ensuite

parce que l’usage de la force armée est l’essence même de la souveraineté. Elle ne

peut se concevoir hors d’un cadre politique placé sous le contrôle du peuple

souverain, ce que n’offre pas aujourd’hui l’Union européenne.


Un évènement national

Le vote du budget est naturellement, en tant que parlementaire, le sujet national que

j’ai choisi d’aborder avec vous ce soir. La difficulté, vous le savez, réside dans la

nécessité de réduire le déficit budgétaire afin de contenir le montant de notre dette.


Je veux d’abord préciser et relativiser le poids de la dette. Elle s’élève à 3 228 milliards

d’euros, soit 112 % du Produit Intérieur Brut annuel. Cela signifie qu’elle représente

un peu plus d’un an de salaire pour faire une comparaison avec un ménage. Je me

suis moi-même endetté, comme nombre d’entre vous sans doute, bien au-delà.


L’épargne des Français se monte elle à 6 185 Mds €. Elle suffirait donc à rembourser

près de 2 fois la totalité de la dette.


Enfin le patrimoine de la France est de 18 674 Mds €. Nous sommes donc

collectivement endettés à hauteur de 17 % de notre patrimoine, ce qui dans les

comptes d’un ménage ou le bilan d’une entreprise demeurerait plus que raisonnable.


Je n’en conclus pas qu’il ne faille pas se préoccuper de la dette mais qu’il faut raison

garder quand on décrit un avenir apocalyptique pour nos enfants, d’autant que la

durée de vie moyenne de la dette de l’Etat est de 8,5 années. Et la dégradation

récente de la note financière du pays ou l’élévation des taux auxquels nous

empruntons ne tiennent pas à nos ratios financiers mais à l’instabilité politique.


Ces chiffres étant rappelés, je pense que les Françaises et les Français, tout comme

les Maires, sont très majoritairement conscients des efforts à accomplir. Encore

faut-il qu’ils estiment ces efforts équitablement répartis, sur les dépenses dans la

satisfaction pour chacun de ses besoins, comme sur les recettes par une juste

contribution de chacun en fonction de ses moyens. L’équation est d’autant plus

difficile à résoudre que nous nous trouvons face à un triple défi : social, écologique et

militaire. Aucun ne peut être retardé et aucun ne doit être privilégié si c’est au

détriment des deux autres.


Avons-nous les ressources nécessaires ? En France, comme le montrent les travaux

de Thomas Piketty, les 500 plus grandes fortunes sont passées de 200 milliards en

2010 à 1 173 milliards en 2023 et ont acquitté sur cette période un impôt de 5 %. Si on

avait appliqué le taux supérieur de l’impôt sur le revenu, 45 %, cela représenterait

une recette de près de 450 milliards d’euros. Ce serait un bon début.


Le premier défi est celui de la préservation de notre modèle social. Il devrait être

notre fierté mais nous y sommes tellement habitués que nous en oublions combien il

est exceptionnel. J’invite ceux qui en douteraient à visionner des épisodes de séries

hospitalières américaines, telles Urgences ou New Amsterdam. On y voit des

patients, dont la vie parfois est en jeu, non soignés parce qu’ils n’ont pas la bonne

mutuelle.


Contrairement à ce que l’on entend souvent, c’est notre protection sociale et non les

impôts qui pèse le plus (60 %) dans le total des prélèvements obligatoires. Mais cette

charge est la garantie de notre qualité de vie et le pilier de notre cohésion nationale.


Le deuxième défi est celui de l’indispensable transition écologique. Jean Pisani Ferry

a chiffré à 67 milliards d’euros par an, dont 34 milliards d’investissement public,

l’effort supplémentaire qu’il faudrait consentir pour atteindre les objectifs de

neutralité carbone et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.


Plus j’avance en âge, plus je me sens une responsabilité. Nous sommes tous des

héritiers. Nous devons ce que nous sommes, les conditions matérielles et politiques

de notre existence à celles et ceux qui nous ont précédés, à leur travail, à leurs luttes.

Et à notre tour nous devons transmettre. Je ne suis pas inquiet pour l’avenir de la

planète. C’est pour l’avenir de l’espèce humaine sur la terre que je suis inquiet. Vous

pourrez ce soir, si vous le souhaitez, vous engager pour notre environnement

immédiat en signant la pétition contre le projet de stockage des déchets dangereux à

Hersin-Coupigny.


Le troisième défi est celui de notre capacité de défense. Le budget 2025 prévoit un

total de 50,5 milliards d’euros pour les armés, ce qui le situe juste au-dessus des 2 %

de PIB requis par l’Alliance Atlantique, contre 4,7 % pour nos amis Polonais, il est vrai

en première ligne face à la volonté hégémonique de Vladimir POUTINE. La montée

des périls exigera d’accroître cet effort dans les années qui viennent.


Les gouvernements disposent de deux leviers pour agir sur la croissance et donc sur

le niveau des recettes fiscales, qui conditionne leur capacité future d’investissement :

la politique monétaire et la politique budgétaire. Or la situation budgétaire des états

européens est dégradée et la France est sous surveillance de la Commission. Et la

politique monétaire est déterminée par la Banque Centrale Européenne en totale

indépendance, dans le seul objectif de contenir l’inflation.


Je pense que pour retrouver une croissance forte, il faut booster la consommation

par une augmentation du pouvoir d’achat, en procédant à des transferts monétaires

directs de la Banque Centrale vers les ménages, ce qu’on appelle parfois pour frapper

les esprits, la « Monnaie Hélicoptère ».


C’est techniquement possible par l’émission d’un monnaie Banque Centrale

numérique, actuellement en réflexion à Francfort. Quelle ne fut pas ma surprise de

lire cette proposition audacieuse reprise le 19 décembre dernier dans le journal

économique le plus orthodoxe, le quotidien « Les Échos ».


L’année 2025 présente donc une conjonction exceptionnelle d’incertitudes dans le

monde, en Europe et en France. D’où la formule que j’ai mise en exergue de ma carte

de voeux, peut-être un peu pompeuse, mais qui veut traduire une résolution, tant

individuelle que collective : « Ces évènements qui ébranlent le monde, notre

continent et notre pays exigent que nous quittions le confort des postures pour nous

hisser à leur hauteur ».


3. Quelques considérations politiques (et philosophiques)


Vous me pardonnerez de terminer mon propos par quelques considérations très

personnelles, d’ordre philosophico-politique.


Première considération : « Vive la politique ». Elle est, plus que le rire, le propre de

l’homme. Je vous invite, si vous ne l’avez déjà fait, à lire l’excellent ouvrage de YUVAL

NOAH HARARI : « Sapiens, une brève histoire du temps ». Il y explique comment

notre espèce, homo sapiens, s’est imposée face aux autres hominidés et a, depuis son

Afrique natale, conquis la planète entière.


Cette supériorité tient à une seule caractéristique : la capacité de sapiens à concevoir

et à partager des récits, légendes ou religions et donc à réunir au-delà de la famille

ou du clan, des groupes de plusieurs centaines d’individus, autrement dit la capacité

à faire société, dans une cité-état, un empire ou aujourd’hui une nation.


Deuxième considération : « La politique, c’est simple ». La capacité d’organisation

collective que donne la politique à l’espèce humaine lui a permis de se hisser au

sommet de la chaîne alimentaire. Encore fallait-il, une fois le mammouth abattu,

déterminer les conditions du partage. Celui qui a eu le courage de porter le coup

fatal mérite-t-il une plus grosse part que les autres ? À moins que ce ne soit celui qui

a imaginé la technique de chasse ? Autrement dit quel est le juste équilibre dans la

répartition de la richesse produite en commun entre la récompense de l’initiative

individuelle, du talent, du courage, et la nécessité d’assurer la survie et la cohésion de

tout le groupe ?


Cette histoire est la métaphore de l’action politique, qu’on peut résumer dans la

recherche permanente d’un équilibre dynamique et toujours instable entre la liberté

et l’égalité. Deux forces ou ensemble de forces suffisent donc au débat politique,

comme le traduisent bien les institutions de la V ème République et d’une certaine

manière son scrutin majoritaire à deux tours.


Troisième et dernière considération : « Sans partis politiques pas de démocratie ».

Comme l’a dit Winston CHURCHILL : « la démocratie est un mauvais système, mais

elle est le moins mauvais de tous les systèmes ». Or le bon fonctionnement de la

démocratie suppose une expression éclairée d’électeurs conscients des choix qu’ils

ont à exprimer. C’est le rôle des partis politiques qui, comme le rappelle l’article 4 de

notre Constitution « concourent à l’expression du suffrage ».


Pourquoi ça coince ?

Alors pourquoi de nos jours un tel désaveu des organisations politiques ? Selon moi

parce que la politique est passée de la sphère de l’action, de l’engagement, du récit

collectif sur les valeurs communes, à la sphère individuelle de la consommation de

masse. On n’attend plus des politiques qu’ils nous proposent un projet de société,

une manière de vivre ensemble, on attend des politiques un inventaire de mesures,

dans lesquelles chacun va chercher les propositions qui satisfont son intérêt propre

et immédiat.


Auparavant on se forgeait un point de vue à partir d’un ensemble d’informations

structurées, dispensées au sein de la famille, de l’école, d’un syndicat, d’un parti,

d’une religion. Aujourd’hui chacun a un accès permanent à une masse d’informations

illimitée, non structurée, non hiérarchisée, dispensée à l’échelle planétaire. Toute

parole se vaut, celle du scientifique reconnu côtoyant celle de l’influenceur inculte ou

du complotiste débile.


Et l’affaiblissement des corps intermédiaires fait que l’individu se retrouve seul face

au monde. C’est d’ailleurs le scénario dont nous abreuvent les blockbusters

américains : un homme ou une femme qui seul sauve le monde, face à des

institutions incompétentes et corrompues.


De ce fatras pourtant ressort un courant dominant, dans lequel nous baignons et qui

forme notre jugement, sans même que nous nous en rendions compte. Cela se vérifie

en particulier dans le domaine économique.


On nous raconte qu’il n’est pas possible de réduire les inégalités, de taxer davantage

les plus fortunés, que nous n’avons plus les moyens de financer notre modèle social :

nos retraites, notre assurance maladie.


Comment se fait-il que nous ne nous rendions pas compte de la manipulation ?

D’abord ce courant dominant est porté dans le monde par les réseaux sociaux,

hérauts de l’idéologie américaine, notamment X, propriété d’Elon MUSK (toujours lui)

mais aussi en France par les médias, dont la quasi-totalité est aux mains de quelques

milliardaires :

  • Vincent BOLLORE avec Canal +, C 8, C News ou C Star, mais aussi Europe 1 ou

  • RFM, et encore Paris Match ou Le Journal du Dimanche, Vincent BOLLORE qui

  • répand ouvertement une idéologie d’extrême droite

  • Bernard ARNAULT avec Les Échos ou Le Parisien

  • Ou encore Patrick DRAHI, Xavier NIEL, Daniel KRETINSKY et Rodolph SAADE


Pour s’assurer un vivier de journalistes formatés à dispenser leur propagande, ces

milliardaires se sont alliés pour racheter la plus vieille école de journalisme française,

l’ESJ Paris.


Ils ont également à leur service les idiots utiles, ceux qui détournent l’attention des

victimes des inégalités qu’ils engendrent, tantôt s’inscrivant dans une vieille tradition

antiparlementaire, en pointant du doigt les responsables politiques républicains,

tantôt en stigmatisant les immigrés, dont nous savons depuis Fernand RAYNAUD

qu’ils viennent manger le pain des Français.


Cette « Internationale réactionnaire », s’est spectaculairement matérialisée il y a

quelques jours par les prises de position tonitruantes d’Elon MUSK contre la

démocratie britannique et en soutien à l’AFD, parti d’extrême droite allemand, hériter

du fascisme.


Alors prenez une bonne résolution pour 2025 : Faîtes de la politique, que vous

partagiez mes convictions ou non, que je vous aie convaincu ou pas. Et vous

apporterez ainsi votre contribution à ce juste équilibre, qu’exprime la devise de la

République, entre la liberté et l’égalité, et qui s’appelle la fraternité. Je pense

profondément, comme l’écrit mon collègue député Boris Vallaud dans son livre « En

permanence », que la fraternité est un projet politique, que c’est même le seul qui

vaille, le seul horizon à opposer à l’extrême solitude où la société laisse aujourd’hui

chacune et chacun d’entre nous.


Vive la fraternité, Vive la République, et vive la France.




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